Jisten Katayé - Justin Catayée (Giyan)
Jisten Katayé - Justin Catayée
(1916 - 1962)
Né le 30 Mai 1916 à Cayenne, il devient professeur de math au lycée Félix Éboué après avoir obtenu la licence ès-sciences à l'Université Française de Bordeaux.
Très vite, il adhère à la section locale de la S.F .I.O. ( Section Française de l'Internationale Ouvrière : Sigle qui désignait le Parti Socialiste français de 1905 à 1971) et devient en 1953 Conseiller municipal. Déçu par le manque d'ambition de ses camarades, il fonde en 1956 le P.S.G. (Parti Socialiste Guyanais) et le journal " Debout Guyane " dans lequel il propage ses idées.
Il décide en 1958 de participer à la campagne électorale. C'était l'époque où se préparait le référendum sur la Nouvelle Constitution prônée par le Général De Gaulle. Ce dernier envoya Malraux dans les D.O.M. afin de faire campagne pour le Oui. D'abord favorable au Non, Catayée finit, après ses entrevues avec Malraux, par appeler à voter pour le Oui. Ce changement lui confère à l'époque une stature politique guyanaise approuvée par l'Etat français.
Après le succès et l'établissement de la Nouvelle Constitution , Justin Catayée décide de se présenter à l'élection législative du 30 Novembre 1958. Opposé à Gaumont et à Vignon, il l'emporte au second tour.
Fort de ce succès il présente une liste aux élections municipales pour la Mairie de Cayenne le 15 Mars 1959. Sa liste est battue par celle conduite par le docteur Roland Barrat soutenu par Robert Vignon.
Le 5 Juin 1961, ce même Robert Vignon lui arrache la place de Conseiller Général du Canton d'Iracoubo.
Soutenu par le F.D.G. ( Front Démocratique Guyanais rassemblant les forces de la gauche guyanaise), il s'envole au début du mois de Juin 1962 pour Paris afin de présenter et de réclamer à la Session Parlementaire un statut spécial pour la Guyane : le STATUT D'AUTONOMIE DE GESTION. En pleine séance, il est alerté le 14 Juin 1962 sur la terrible répression commandée par le préfet Érignac faisant suite à la manifestation du F.D.G. contre l'établissement de la Légion Etrangère en Guyane.
Catayée décide d'écourter sa présence à la session et de rentrer en Guyane afin d'être à la tête du défilé de protestation organisé par le F.D.G. le 25 Juin.
Malheureusement, le boing 707 d'Air-France qui le ramenait vers la Guyane , s'écrase le 22 Juin vers 4 h 30 au nord-est de Pointe-A-Pitre sur une colline haute de 450 m ( Déhayes), plongeant la Guyane dans un grand désarroi. A bord de l'avion parmi les 173 passagers étaient notamment présents 2 autres Guyanais ( Roger Sadecki et Jacques Massel ) ainsi que deux autonomistes antillais :
Albert Béville, poète connu sous le nom de Paul Niger, l'un des fondateurs du " Front Antillais et Guyanais pour l'Autonomie " et Roger Tropos, jeune de 24 ans.
A l'issue de la soirée commémorative afin d'honorer la mort de Catayée-Béville-Tropos, tenue au Palais de la Mutualité à Paris le 6 juillet 1962, un souhait fut formulé: Celui de voir les trois municipalités ( Cayenne, Fort-De-France, Pointe-A-Pitre) donner à l'une de leurs rues le nom de ces trois hommes. C'est ainsi qu'à Cayenne, la rue Voltaire fut renommée rue Justin Catayée: C'est en effet, au N° 32 de cette rue que le 1er local du PSG vit le jour.
Au cours de cette soirée commémorative, Edouard Glissant, pas aussi célèbre que maintenant, lut un poème de Paul Niger " Je n'aime pas l'Afrique ", et qu'Aimé Césaire dans un message dit:
" Il est bien que les Antillais et les Guyanais commémorent en même temps et d'une seule et même ferveur Albert Béville, Justin Catayée et Roger Tropos.
Deux de ces hommes, Albert Béville et Justin Catayée, étaient de mes amis, et la veille même de leur mort, et sans que je puisse me douter que c'était pour la dernière fois, il m'avait été donné d'entendre leur voix.
Le matin, Albert Béville me faisait part de son souci de l'avenir antillais et de son projet de se fixer à la Guadeloupe. A midi, Justin Catayée, me disait que la situation de son pays le préoccupait; que, toutes affaires cessantes, il partait...
...Justin Catayée, cette énergie à l'état pure, cette force que rien ne pouvait détourner de son but, ni la pauvreté de ses moyens, ni le sentiment du dénuement de son pays, ce feu intérieur toujours allumé. Il est significatif qu'il ne s'est pas éteint mais, telle une gerbe de force, désintégré dans le plein de sa force et comme au plus suprême de son ignition ."
Justin Catayée fut enterré le samedi 30 Juin au cimetière de Cayenne dans un caveau construit des propres mains de ces camarades du PSG.
Le Parcours de Justin Catayée en quelques dates:
30 mai 1916 : naissance de Justin Catayée à Cayenne de parents martiniquais. Il est le fils de Julien-André Catayée (âgé de 30 ans), comptable dans l'entreprise commerciale Tanon, et de Marie-Louise Jean Louis Michel (âgée de 23 ans).
1939 : Après avoir passé son bac dans la série mathématiques en Martinique (son père pour des problèmes de santé avait dû regagner la Martinique ), il est réformé en 1939 pour une cataracte traumatique de l'œil gauche.
1942 : Grâce à des subterfuges, il réussit à s'engager comme volontaire pour la durée de la guerre
10 mai 1943 : Il est débarqué en Afrique du Nord pour être transféré à l'école des élèves Aspirants de Cherchell.
Juin 1943 : L'orientation pétainiste de l'Ecole de Cherchell le conduit à prendre parti pour la France en lutte et à s'engager dans les Forces Françaises Libres en juin 1943.
1er octobre 1943 : Justin Catayée devient Caporal-Chef
1er janvier 1944 : Il devient sergent dans la 2ème Cie du SM de génie.
8 octobre 1944 : Il est gravement blessé à la bataille de Belfort où il obtient le grade de sergent-chef pour fait de guerre.
Juillet 1945 : Justin Catayée est démobilisé est obtient une pension de 15% par la commission spéciale de Bordeaux. Dans cette ville, il obtient une licence de mathématiques et il y enseigne tout en s'engageant dans le combat politique. Il adhère à la SFIO et suit des cours de formation politique du parti. Mais la Guyane reste présente et à cette époque il crée un petit journal, l'Essor guyanais "pour informer les métropolitains de la situation politique et administrative de la Guyane. Après plusieurs échecs, il réussit à se faire muter et il obtient le poste de professeur de mathématiques au Lycée Félix Eboué. Il se lance alors dans le syndicalisme et revendique l'amélioration des conditions de travail et l'harmonisation législatives du statut des fonctionnaires de l'enseignement de la métropole et celui des fonctionnaires des DOM.
1951 : Aux élections législatives de 1951, il soutient Monsieur Laguerre du " Réveil Progressiste Guyanais " dirigé par Pierre Darnal
13 octobre 1951 : Justin Catayée crée, avec Monsieur Defianase (membre de la SFIO en France) la section guyanaise de la SFIO.
Janvier 1956 : Tombé malade et obligé de partir pour la France pour se faire soigner, Justin Catayée n'assiste pas au congrès de la SFIO tenu en son absence pour la désignation d'un candidat aux législatives de 1956. De retour en Guyane, Catayée dénonce les conclusions du congrès et se retire de la SFIO. Il organise alors des réunions chez lui et pense avec l'aide de quelques volontaires créer un nouveau parti.
8 février 1956 : les statuts d'un nouveau parti le PSG sont déposés à la Préfecture (Préfet Pierre Malvy). Le secrétaire Général est Justin Catayée, le Trésororier Renotte Robo et les membres François Rimane et Paul Kaly. Le parti s'installe au N° 37 de la rue Voltaire à Cayenne. Des sa création, le PSG participe à toutes les batailles sociales en essayant de se présenter comme le véritable interlocuteur auprès de l'administration. Justin Catayée crée le journal " Debout Guyane " afin de faire passer ses idées. Le combat du PSG est essentiellement basé sur sa politique d'assimilation de l 'assimilation.
Octobre 1957 : Le PSG se présente pour la première fois à une élection. Il s'agit d'une élection partielle dans le canton de Cayenne Sud-Ouest. Le PSG délègue Jules Gayes qui emporte dès le 1er tour permettant ainsi au parti de Justin Catayée d'être pour la première fois représenté au sein de l'Assemblée Départementale.
Janvier 1958 : Au renouvellement triennal du Conseil général de janvier 1958, le PSG présente des candidats dans presque tous les cantons : Catayée (Nord-Ouest), Tribord (Sud-Est), Barthélémy (Nord-Est), Catherine (Montsinéry-Tonnégrande). Malgré plusieurs ballottages, 2 candidats seulement sont élus : Tribord et Catherine.
30 novembre 1958 : Suite au référendum de 1958, de nouvelles élections législatives se préparent. La division de la droite ( Edouard Gaumont, député sortant, et Robert Vignon, ancien Préfet) favorise l'élection de Justin Catayée. La Guyane fut le seul DOM à ne pas renouveler sa confiance au député sortant.
Mars 1959 : Aux élections municipales de mars 1959, le PSG présente une liste avec un programme basé sur un plan d'urbanisme réalisé par Catayé en 1954. Le PSG ne peut contrer la coalition des partis de la droite unis autour du Maire sortant Roland Barrat. Au cours de cette année, avec l'arrivée de jeunes intellectuels guyanais (Hugues Sirder, Edmé Léonço, Auxence Contout, Henri Henriot, Serge Patient...) qui milite au sein de l'UPG (Union du Peuple Guyanais) pour un statut d'autonomie, Justin Catayée se rend compte qu'il est dépassé sur sa gauche et que la contestation de l'assimilation ne suffit plus. Le débat apporté par l'UPG se positionne désormais autour de 2 thèmes :
La Décolonisation de la Guyane avec l'application d'un statut d'automie de gestion dans le cadre de la République Française
Ou l'application stricte de la départementalisation.
Dans son combat électoraliste, Justin Catayée choisit la rupture avec l'UPG et le RPG ( Reveil Progressiste Guyanais, parti fondé par le professeur de philosophie Marius Miron), pour se positionner vis-à-vis des partis départementalistes et de se présenter en seul interlocuteur représentatif des guyanais.
19 juin 1959 : Justin Catayée dépose à l'Assemblée Nationale une proposition de loi tendant à accorder un statut spécial à la Guyane.
26-27 septembre 1959 : A l'initiative de l'UPG, le 1er congrès des guyanais organisé à Montjoly les 26 et 27 septembre 1959 rassemble tous les partis politiques, les organisations syndicales et les organisations corporatives pour définir un statut pour la Guyane. Justin Catayée, Georges Guéril, Auguste Boudinot ne participent pas à ce congrès au cours duquel 9 motions sont votées où les congressiste reconnaissent que :
L'autonomie de gestion est possible en Guyane compte tenu des potentialités du pays
Les statuts de l'autonomie de gestion devait être élaborée par une assemblée guyanaise démocratiquement élue.
Cette modification de statut devait entraîner immédiatement la suppression du Territoire de l'Inini
Justin Catayée voyait dans ce congrès " un rassemblement tenu par des séparatistes à la solde de Moscou ".
A la suite de ce congrès, l'UPG gagna en crédibilité auprès de la population car il réussit à démonter que l'autonomie n'était pas l'indépendance et peu à peu, le mot d'ordre d' " autonomie de gestion " se substituât à celui de " statut spécial ".
Justin Catayée essaya de contrer cette prise de conscience du peuple guyanais en organisant avant l'arrivée du Général de Gaulle une rencontre avec tous les partis politiques d'opposition afin d'établir un consensus d'action, mais cette tentative échoua
10 décembre 1959 : Justin Catayée demande une mission d'enquête sur l'application de la législation dans le département.
1960 : Aux élections sénatoriales de 1960 le PSG soutient Abraham-Georges Guéril contre Robert Vignon soutenu par la SFIO. Guéril l'emporte.
23 août 1960, un comité guyanais se réunissait la Mairie de Cayenne à l'initiative de Me Paul Prévot, président du Comité pour le Statut Spécial en présence de tous les représentants des partis politiques, syndicats et autres organisations. Justin Catayée et Auguste Boudinot assistait à cette réunion ainsi que des personalités comme Roland Barrat, Auguste Delannon, Pierre Darnal, Léopold Héder, Jean Ho-You-Fat, Paul Ophion, Hugues Sirder, Hector Troudard, Turenne Radamonthe etc.. C'était la première fois que des guyanais de tendances politiques diverses acceptaient de se réunir pour débattre de l'avenir institutionnel de la Guyane. La loi progralle pour les DOM du 30 juillet 1960 indiquait que le Gouvernement devait, avant le 31 décembre 1960 soumettre au Parlement un projet de loi tendant accorder à la Guyane , dans le cadre départemental un statut spécial unique pour l'ensemble de son territoire en application des articles 72 et 73 de la Constitution. Après plusieurs séance de travail, le Comité proposa la création d'une Collectivité Territoriale nouvelle appelée Région Guyane jouissant d'une autonomie de gestion.
1961 : Les élections cantonales de 1961 avec les candidatures des militants de l'UPG et du RPG divisèrent la gauche qui perdit ces élections. Le PSG subissait un cuisant échec notamment à Iracoubo où Justin Catayée fut battu par Robert Vignon absent du département. Seul Jules Gayes fut réélu dans son canton du Sud-Ouest. Le PSG opta après ces élections pour un rapprochement avec les autres partis de gauche et Justin Catayée demanda pour la Guyane " un statut spécial ".
Un projet bâtard du Gouvernement en février 1961 souleva une vive contestation de la classe politique guyanaise.
Le 12 mars 1961, un défilé réunissant les partis politiques autour d'un statut spécial pour la Guyane n'alerta pas les pouvoirs publics.
Le 10 avril 1961 : congrès des partis politiques d'opposition de la Martinique, de la Guyane et de la Guadeloupe à Basse-Terre . Justin Catayée représentait le PSG en compagnie de plusieurs membres de l'UPG. La déclaration finale mettait en garde le gouvernement sur la décadence économique des DOM et la nécessité de proclamer pour chaqu'un de ces territoires un statut propre d'autogestion leur permettant de diriger eux-mêmes leurs affaires dans le cadre de l'ensemble français
Suite aux pressions administratives notamment faites à l'encontre des fonctionnaires militants, les organisations politiques signataires de la déclaration de Basse-Terre décidèrent de ce réunir à Paris les 21-23 avril 1961 et de porter à la presse internationale la situation des DOM.
A ce congrès le Front antillo-guyanais fut constitué avec 3 revendications principales1. La reconnaissance de la spécificité des DOM2. Le rejet de la départementalisation3. La revendication de l'Autonomie
Le Gouvernement occupé par la question algérienne publia le décret du 22 juillet 1961 qui proclamait la dissolution de ce Front antillo-guyanais pour atteinte à la sûreté de l'Etat. Les congressiste les plus connues comme Edouard Glissant furent placés en résidence surveillée.
Le 29 septembre 1961, les partis politiques suivant : PSG, UPG, UNR (Auguste Delannon), URG (Jean Ho-You-Fat) et la SFIO se retrouvèrent réunis autour d'un mémorandum revendiquant la Création pour la Guyane d'une collectivité territoriale fondée sur les principes suivants :
La Guyane est une collectivité territoriale de la République Française. Elle s'administre librement par des conseils d'élus, dans les conditions fixés par la loi. Cette collectivité nouvelle est une REGION.
La Region Guyane jouit de l'auto-gestion dans la limite que lui confère le partage des matières fixé par la loi
La Région-Guyane fonctionne au moyen d'organes institutionnels qui sont : le Représentant de la République , l'Assemblée Régionale et le Conseil Exécutif Régional.
Ce mémorandum servira de base à la future constitution du Front Démocratique Guyanais, le FDG rassemblant les forces de la gauche guyanaise
Soutenu par le F.D.G. Justin Catayée s'envole au début du mois de Juin 1962 pour Paris afin de présenter et de réclamer à la Session Parlementaire un statut spécial pour la Guyane : le STATUT D'AUTONOMIE DE GESTION.
Le 14 Juin 1962 , une manifestation est organisée contre l'installation de la Légion en Guyane et la revendication d'un statut spécial pour la Guyane. C'est le Front Démocratique qui prend l'initiative. Il est composé de partis ( P.S.G., U.P.G., S.F.I.O.) et de syndicats ( dont l'U.D.-C.G.T. qui deviendra en 1967 l 'U.T.G.).
Cette manifestation est brutalement réprimée par les forces de l'ordre.
En pleine séance, il est alerté le 14 Juin 1962 sur la terrible répression commandée par le préfet Érignac
Un grève de protestation faisant de Cayenne une Ville Morte est décidée par Le FDG pour le 22 juin ainsi qu'un défilé pour le 25 juin
Catayée décide d'écourter sa présence à la session et de rentrer en Guyane afin d'être à la tête du défilé de protestation organisé par le F.D.G. le 25 Juin
Malheureusement, le boing 707 d'Air-France qui le ramenait vers la Guyane , s'écrase le 22 Juin vers 4 h 30 au nord-est de Pointe-A-Pitre sur une colline haute de 450 m ( Déhayes), plongeant la Guyane dans un grand désarroi. A bord de l'avion parmi les 173 passagers étaient notamment présents 2 autres Guyanais ( Roger Sadecki et Jacques Massel ) ainsi que deux autonomistes antillais Albert Béville, poète connu sous le nom de Paul Niger, l'un des fondateurs du " Front Antillais et Guyanais pour l'Autonomie " et Roger Tropos, jeune de 24 ans.
Justin Catayée fut enterré le samedi 30 Juin au cimetière de Cayenne dans un caveau construit des propres mains de ces camarades du PSG.