Carbet 1948

 

LES EVENEMENTS DU CARBET
Mars 1948

 

«MONSIEUR TROUILLE, AGENT DU FASCISME USINIER,
A FAIT ASSASSINER DES OUVRIERS AU CARBET !

TROIS MORTS, PLUSIEURS BLESSES GRAVES...

 

 

Le lundi 1er mars (1948), les coupeurs de canne . demandent l'application des dispositions dès conventions de l'année dernière, :en ce qui concerne la coupe dans les pièces encombrées d'herbes hautes et de lignes. Monsieur Bally, propriétaire de l'usine et des terres, refuse tout accord. Il ne paiera que le prix officiel de la tâche, sans accepter la moindre diminution de travail. Grève générale de tous les ouvriers agricoles de l'habitation; le 2 mars, on entame des pourparlers.

 

Le patron refuse de parlementer, la grève se poursuit. Le mercredi 3, Lajus est désert toute la journée. Le jeudi 4, personne ne va à l'embauche. Le fils Bally fait du racolage en auto. Le patron invite les ouvriers à monter à Lajus pour toucher le montant du rappel du mois de janvier, qu'ils avaient réclamé. Le syndicat se concerte, pense à un piège, mais, devant la nécessité de toucher cet argent, on monte, on touche, on est sourd aux provocations et muet; 18 heures, tout le monde a touché, ou presque, on se retire vers le bourg.

 

En route, ils apprennent qu'un des leurs est retenu par les gendarmes et qu'ils lui font "un mauvais parti",.ils font volte-face, Mais leur camarade revient déjà, ils prennent La direction du bourg; une jeep de gendarmes va de Saint-Pierre vers Lajus, elle dépasse le groupe, s'arête et cerne un retardataire déjà brutalisé par les gendarmes du Carbet. Ils frappent André Jacques à coups de crosse redoublés. Ils sont à dix ou douze contre un,

 

Jacques s'effondre. Yvonne Jacques s'élance... Elle est atteinte à la jambe droite. Henri Jacques tente d'ôter le fusil des mains du gendarme, il est visé et tué.» La fusillade a entraîné: la dispersion des ouvriers et des badauds. «A terre, il y a une femme, deux morts: André Jacques et Mathurin Dalin; deux blessés: . Yvonne Jacques et André Balmer.» (Journal Justice.)

 

«Trouille, allez-vous-en! », demande Justice.

 

Un peu plus tard, dans la soirée du 4 mars, on apprenait qu'il y avait trois morts, les deux frères Jacques et Mathurin Dalin.

 

Ces événements ont alimenté toute une polémique entre Justice et M. Trouille, préfet à l'époque. Le 8 mars, celui-ci fait une déclaration radiodiffusée; il affirme que les gendarmes du Carbet ont fait feu pour se défendre et parer les coups de pierres que les grévistes leur lançaient.

 

Le préfet intente un. procès au journal Justice pour son article du samedi 6 mars. Justice continue à poser des questions.

 

Le jeudi 11 mars: «Au Carbet, la gendarmerie a porté plainte, mais n'est pas dessaisie de l'enquête, pourquoi?»

 

Le jeudi 18 mars: «Monsieur Trouille a peur de la vérité! »

 

Le jeudi 22 avril, Marie-Joseph et Cadrot, auteurs des articles considérés diffamatoires, sont condamnés à six mois de prison et 100000francs d'amende.

 

L'affaire prend des proportions considérables. le numéro du 22 présente à ses lecteurs deux poèmes d'Aimé Césaire à la mémoire des tués du Carbet.

 

Lundi 26 avril: «Six mois de prison n'effacent pas les taches de sang», et Justice fait appel. La cour condamnera néanmoins les journalistes à six mois de prison avec sursis et 1O0000francs d'amende.

 

Les autres journaux ont été peu prolixes sur le sujet. (Désintérêt, manque de renseignements ou soumis­sion à l'autorité préfectorale 7) L'Echo des Antilles titre «AU CARBET GRAVES INCIDENTS». La Voix socialiste se contente de faire un rapport des différentes versions.

 

(In Histoire des communes Antilles-Guyane)